Marie-Claude FOURNET
Avocat au Barreau de Paris
Conformément aux dispositions de l’article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle : « lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».
Procédant du principe à valeur constitutionnel que constitue la liberté d’expression, la parodie a ainsi été érigée par le législateur au rang des exceptions au droit d’auteur. En l’absence de définition légale, comment caractériser la parodie ? La Haute juridiction a été récemment amenée à le préciser, par arrêt du 22 mai 2019 publié au bulletin.
Dans cette affaire, la veuve du sculpteur Aslan, auteur entre autres de la célèbre Marianne à l’effigie de Brigitte Bardot, avait assigné la société éditrice du magazine le Point pour la reproduction partielle, sans son autorisation en qualité d’ayant droit de l’auteur, du buste de Marianne dans le cadre d’un photomontage illustrant un des articles du magazine intitulé « Corporatistes intouchables, tueurs de réforme, lepéno-cégétistes… Les naufrageurs – La France coule, ce n’est pas leur problème »:
La cour d’appel de Paris, par décision en date du 22 décembre 2017, avait retenu que ce photomontage ne générait pas de risque de confusion, compte tenu de la reproduction partielle de l’œuvre, immergée, et de l’adjonction d’un fond bleu. Elle avait en outre jugé reconnu qu’il constituait une métaphore humoristique du sauvetage de la République, destiné à illustrer le propos de l’article, peu important le caractère sérieux de celui-ci.
S’inscrivant dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et de l’arrêt Deckmyn du 3 septembre 2014 (C-201/13) , la Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel, en rappelant que la notion de « parodie » constitue une notion autonome du droit de l’Union européenne, qui se caractérise par la réunion de deux critères : un élément intentionnel d’une part, à savoir le caractère humoristique, et un élément matériel d’autre part, à savoir l’absence de risque de confusion avec l’œuvre parodiée.
Si ces deux éléments sont réunis, l’exception de parodie ne peut être écartée, conformément aux dispositions légales, que lorsqu’elle porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. La CJUE avait à cet égard rappelé que l’application, dans une situation concrète, de l’exception pour parodie doit respecter un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts et les droits des auteurs et, d’autre part, la liberté d’expression de l’utilisateur d’une œuvre protégée se prévalant de l’exception pour parodie.
Tel pouvait notamment être le cas dans l’affaire Deckmyn, dans la mesure où l’auteur de l’œuvre parodiée pouvait avoir un intérêt légitime à ne pas être associé au message discriminatoire porté par la parodie.
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mai 2019, la Cour de cassation a également approuvé le raisonnement de la cour d’appel en ce qu’elle avait considéré que le photomontage évoquait un naufrage de la république et ne portait pas en soi atteinte à l’intégrité de l’œuvre du sculpteur.
Décisions citées:
CA Paris, Pôle 5 – Chambre 2, 22 décembre 2017, RG 16/20387
CJUE, Johan Deckmyn et Vrijheidsfonds VZW contre Helena Vandersteen e.a., 3 septembre 2014, C 201/13